Cet article fait suite à celui sur la gestion de la forme et aborde la question de l'harmonie. Au programme : comment choisir ses accords et les ordonner pour créer des grilles d'accords efficaces.
Avant de poursuivre la lecture de cet article, il est conseillé de consulter les articles Apprendre la notation anglo-saxonne et Tonalité et accords pour ceux qui ne maîtrisent pas encore ces concepts.
Comme dans le précédent article, la démarche proposée ci-dessous pourra être adaptée avec l'expérience.
Comment trouver les accords d'une chanson
La tonalité d'une chanson définit son atmosphère
Comment choisir la tonalité de sa chanson ?
Avant de définir la grille d'accords, il faut choisir au préalable une tonalité, car c'est elle qui détermine le réservoir d'accords disponibles. Pour commencer, il est pratique de s'exercer avec les tonalités de do majeur et de la mineur, car elles ne contiennent aucune altération à la clé (seulement un sol dièse pour la tonalité de la mineur).
Le choix entre tonalité majeure et tonalité mineure dépend de la sonorité recherchée. Couramment, une tonalité majeure sera perçue comme joyeuse et une tonalité mineure comme triste. Bien évidemment, ces généralités sont à prendre avec précaution, car il est tout à fait possible de faire une chanson triste en majeur et joyeuse en mineur. Toutefois, cette comparaison est suffisamment représentative de la majorité des chansons pop pour être employée.
Voyons maintenant la liste des accords disponibles pour chacune de ces tonalités.
Les accords signalés en rouge sont des accords diminués ou augmentés dont la sonorité est plutôt rude. Ils seront donc peu employés dans le cadre d'une chanson pop, c'est pourquoi il est préférable de les exclure.
Quelques exemples de tonalités dans des chansons connues
Comment trouver une suite d'accords efficace ?
La qualité première d'une grille d'accords est sa capacité à former un bloc d'accords cohérent pouvant être répété autant de fois que nécessaire.
Dans quel ordre écrire ses grilles d'accords ?
L'idéal est de travailler en priorité sur le couplet et le refrain, car ce sont les deux sections fondamentales dans une chanson. Ensuite, on peut travailler sur les sections de transition (pré-refrain, pont et solo), puis terminer avec l'introduction et l'outro.
Combien de grilles d'accords dans une chanson ?
La grille d'accords peut être la même durant tout le morceau (c'est le cas de Knockin' On Heaven's Door de Bob Dylan) ou évoluer différemment en fonction des sections. Toutefois, aucun des choix n'est meilleur que l'autre, car il dépend de ce que souhaite exprimer le compositeur avec sa chanson.
Généralement, une chanson compte une à trois grilles d'accords. Ce nombre est intimement lié à la durée du morceau et au nombre de sections qu'il contient. Aussi, l'utilisation d'une seule grille d'accords conviendra mieux à un morceau court (moins de 3 minutes) dont la faible durée minimise les risques d'ennui. L'utilisation de deux grilles d'accords est très courante pour différencier le couplet et le refrain, et l'usage d'une troisième est habituellement réservé au pré-refrain ou au pont.
On peut parfois trouver des grilles d'accords spécifiques à l'introduction, à l'outro et au solo, mais ce cas est plus rare, car ce sont des sections essentiellement imitatives. Dans la plupart des cas, on se contentera donc d'utiliser celles du couplet ou du refrain pour ces trois sections.
La réutilisation d'une même grille d'accords au sein de plusieurs sections différentes n'est pas forcément synonyme de monotonie ou de simplicité. C'est avant tout un choix de composition qui cherche à rendre la grille mémorisable en l'exposant plusieurs fois dans des contextes musicaux différents. En outre, il est possible d'en renouveler l'intérêt par un changement d'instrumentation et/ou d'orchestration : mêmes accords joués dans une autre position ou doublés par un autre instrument par exemple.
Combien d'accords dans une mesure ?
Avant de créer une grille d'accords, ll faut en définir le rythme harmonique, c'est-à-dire la durée de chaque accord. Par exemple, dans une mesure à quatre temps, on peut avoir un seul accord qui occupe les quatre temps, deux accords qui occupent chacun deux temps ou encore un accord sur chaque temps.
Ces choix sont fondamentaux, car ils vont déterminer en partie le dynamisme de la chanson. Ainsi, une chanson qui comporte très peu d'accords et un rythme harmonique lent semblera plus statique qu'une chanson qui compte plusieurs accords différents à chaque mesure. Encore une fois, aucun choix n'est meilleur que l'autre.
Le rythme harmonique peut aussi évoluer en cours de chanson. Par exemple, les couplets ont souvent un rythme harmonique plus lent que les refrains, car cela permet de créer un meilleur contraste entre les deux sections tout en dynamisant le refrain. Cependant, même si ce choix est fréquent, il n'est en rien obligatoire : Knockin' On Heaven's Door de Bob Dylan comporte le même rythme harmonique du début à la fin du morceau.
Le rythme harmonique peut également servir à marquer un moment de tension par l'utilisation d'un seul accord sur une longue durée. C'est le cas dans Sunburn de Muse où le pont précèdant le solo est entièrement basé sur un accord de mi mineur, créant alors un effet suspensif. En conséquence, le choix du rythme harmonique contribue grandement à définir le caractère d'une section.
Voyons maintenant les quatre cas les plus fréquents et les plus simples à exploiter dans un premier temps :
- un accord par mesure
- alternance entre deux accords, puis un
- alternance entre un accord, puis deux
- deux accords par mesure
Et maintenant, un exemple de mise en application de chaque cas dans des chansons bien connues :
Comment bien choisir les accords de sa chanson ?
Par quel accord commencer sa grille ?
En début de morceau, la grille d’accords doit commencer sur l’accord du degré I pour permettre d’identifier sans ambiguïté la tonalité. Par exemple, l’accord de do majeur dans le cas d’un morceau en do majeur. Il existe des exceptions à cette règle, mais elles sont rares.
Sur le même principe, il est conseillé de conclure la chanson sur l'accord du degré I, même si là aussi, il existe des exceptions : Sunburn de Muse se termine sur un accord de mi majeur alors que le morceau est en mi mineur. Il s'agit du procédé de la « tierce picarde » qui s'utilise habituellement dans les conclusions et exclusivement dans les tonalités mineures. Il consiste à transformer l'accord mineur situé sur le degré I en un accord majeur. De ce fait, un morceau en do mineur pourra se conclure sur un accord de do majeur, un morceau en fa mineur sur un accord de fa majeur, etc.
Si la chanson comporte plusieurs grilles d'accords différentes, elles peuvent débuter par un autre accord que celui du degré I du moment que la tonalité a bien été établie au départ.
Comment choisir les autres accords de la grille ?
Pour choisir les accords, on peut s'aider de la fonction harmonique de chaque degré, de leur couleur harmonique (majeur ou mineur) et du degré de proximité entre les accords (nombre de notes communes).
Les degrés I (tonique), IV (sous-dominante) et V (dominante) sont considérés comme des degrés « forts », car ils permettent d'affirmer la tonalité. Tous les autres degrés sont considérés comme des degrés « faibles ». En conséquence, le choix d'un degré n'est jamais neutre. Par exemple, l'utilisation du degré V est pratique pour conclure une grille d'accords, et celui du degré I est courant comme accord initial.
Pour les raisons déjà évoquées précédemment, l'utilisation d'accords majeurs ou mineurs influence la couleur de la grille d'accords. Ainsi, une grille composée essentiellement d'accords mineurs semblera plus triste (même si la tonalité initiale est majeure) et inversement.
Voici un exemple de grille d'accords en do majeur « joyeux », puis en do majeur « triste » :
Voici un exemple de grille d'accords en la mineur « triste », puis en la mineur « joyeux » :
Enfin, le degré de proximité entre certains accords est utile pour des effets de constraste plus ou moins appuyés au sein d'une grille d'accords. Par exemple, les accords de do majeur (do, mi, sol) et de la mineur (la, do, mi) sembleront assez proches, car ils ont deux notes communes : le do et le mi. À l'inverse, les accords de do majeur et de ré mineur (ré, fa, la) sembleront plus éloignés, car ils n'ont aucune note commune.
Composer une grille d'accords : les cas particuliers
Il est conseillé de ne pas répéter deux fois de suite un même accord pour éviter la monotonie et la pauvreté harmonique de la grille. Toutefois, il est possible de répéter le dernier accord d'une grille lorsque celle-ci est suffisamment longue, car cela permet d'en appuyer la fin par un ralenti du rythme harmonique. Pour cette même raison, on peut parfois utiliser le même accord pour débuter et conclure une grille d'accords.
Enrichir les accords de sa chanson
Enrichir un accord signifie lui ajouter des notes supplémentaires afin de le rendre plus complexe. Cela apporte aussi une touche plus personnelle à la grille d'accords. On peut potentiellement ajouter n'importe quelle note à un accord en fonction de la sonorité recherchée (doux, mystérieux, dissonant, etc.), mais certains enrichissements (comme l'ajout de la septième) sont plus courants que d'autres. En voici un exemple :
Voici maintenant un exemple de grille d'accords enrichie :
La modulation ou comment rendre votre chanson plus attractive !
À quoi sert la modulation dans une chanson ?
Une modulation désigne un changement de tonalité. C'est un outil efficace pour marquer un contraste fort entre deux sections et apporter un éclairage nouveau. On pourra par exemple avoir les couplets dans une tonalité mineure et les refrains dans une tonalité majeure. Les modulations les plus simples à mettre en place au départ sont les modulations dans les tonalités dites voisines. Pour cela, il faut faire une cadence dans la nouvelle tonalité en utilisant au moins deux accords y appartenant.
Liste des tonalités voisines d'une tonalité majeure
- tonalité de la dominante majeure dont la tonique est située une quinte juste au-dessus de celle de la tonalité initiale
- tonalité de la sous-dominante majeure dont la tonique est située une quinte juste au-dessous de celle de la tonalité initiale
- tonalité relative mineure dont la tonique est située une tierce mineure au-dessous de la tonalité initiale
- tonalité de la dominante de la tonalité relative mineure dont la tonique est située une quinte juste au-dessus de celle de la tonalité relative mineure. On peut aussi la considérer comme la tonalité relative mineure de la dominante majeure.
- tonalité de la sous-dominante de la tonalité relative mineure dont la tonique est située une quinte juste au-dessous de celle de la tonalité relative mineure. On peut aussi la considérer comme la tonalité relative mineure de la sous-dominante majeure.
Exemple de modulation depuis la tonalité de do majeur vers la tonalité de la mineur
Dans l'exemple ci-dessous, la modulation est faite avec une cadence parfaite en la mineur qui utilise successivement les degrés forts IV, V et I. En outre, l'accord du degré V (E7) contient une septième mineure qui renforce encore la cadence, car la septième est une note dite « attractive ». Tout comme la sensible (tierce de l'accord du degré V), elle est chargée d'une forte tension mélodique et nécessite donc une résolution. Celle-ci s'effectue habituellement sur la tierce de l'accord du degré I. On appelle ce type d'accord une « septième de dominante ».
Dans ce contexte, l'accord de ré mineur (Dm) est considéré comme un accord mixte, car il peut être analysé comme le degré II de la tonalité de do majeur ou bien comme le degré IV de la tonalité de la mineur. Il est donc commun aux deux tonalités, d'où le terme de mixte.
Liste des tonalités voisines d'une tonalité mineure
- tonalité de la dominante mineure dont la tonique est située une quinte juste au-dessus de celle de la tonalité initiale
- tonalité de la sous-dominante mineure dont la tonique est située une quinte juste au-dessous de celle de la tonalité initiale
- tonalité relative majeure dont la tonique est située une tierce mineure au-dessus de la tonalité initiale
- tonalité de la dominante de la tonalité relative majeure dont la tonique est située une quinte juste au-dessus de celle de la tonalité relative majeure. On peut aussi la considérer comme la tonalité relative majeure de la dominante mineure.
- tonalité de la sous-dominante de la tonalité relative majeure dont la tonique est située une quinte juste au-dessous de celle de la tonalité relative majeure. On peut aussi la considérer comme la tonalité relative majeure de la sous-dominante mineure.
Exemple de modulation depuis la tonalité de la mineur vers la tonalité de do majeur
Dans l'exemple ci-dessous, la modulation est faite avec une cadence parfaite en do majeur selon les mêmes principes que la modulation vue précédemment.
Dans ce contexte, l'accord de fa majeur (F) est considéré comme un accord mixte, car il peut être analysé comme le degré VI de la tonalité de la mineur ou bien comme le degré IV de la tonalité de do majeur.
Exemple d'emprunt
Comme son nom l'indique, l'emprunt consiste à emprunter un accord à une autre tonalité (voisine bien souvent). Il ne s'agit pas d'une modulation à proprement parler, car aucune cadence ne vient installer une nouvelle tonalité. Le rôle de l'emprunt est de créer une surprise (et donc une tension) en colorant légèrement la grille d'accords de manière inattendue.
En musiques actuelles, il est très utilisé sur le degré III d'une tonalité mineure. En effet, une tonalité mineure contient deux degrés diminués et un degré augmenté. Cela ne laisse que quatre degrés exploitables là où une tonalité majeure en possède six. L'emprunt permet donc d'augmenter les possibilités expressives par l'utilisation d'accords étrangers à la tonalité initiale.
Dans une tonalité mineure, l'accord situé sur le degré III est augmenté. Toutefois, on peut le remplacer par un accord majeur qui peut être analysé comme le degré I de la tonalité relative majeure. On dispose alors de cinq accords exploitables au lieu des quatres accords de départ.
Exemples de suites d'accords dans une chanson pop
Voyons maintenant un exemple de grilles d'accords reprenant la structure proposée dans l'article précédent. Afin d'être complet, je proposerai un exemple de chanson dans une tonalité majeure (do), puis un autre exemple dans une tonalité mineure (la).
Composer une chanson en do majeur
La première version de la grille d'accords du couplet est répétée deux fois à l'identique lorsque le couplet est suivi d'un autre couplet. La deuxième version est seulement utilisée pour remplacer les quatre dernières mesures du couplet lorsque celui-ci est suivi d'un refrain. L'utilisation de l'accord du degré V (G7) apporte une nouveauté et permet ainsi d'affirmer la fin du couplet tout en préparant l'arrivée du refrain.
Dans les deux cas, la grille d'accords du couplet est essentiellement composée d'accords mineurs enrichis par l'ajout de septièmes mineures pour lui donner un caractère plus doux et mélancolique.
Les accords encadrés en noir sont ceux qui sont réutilisés toutes les deux mesures afin de donner des repères lors de l'écoute de la grille d'accords. Seul l'ajout d'une septième mineure dans sur le degré III de la première mesure les différencie, c'est pourquoi ce degré est signalé en bleu.
En comparaison, la grille d'accords du refrain compte exclusivement des accords majeurs dont deux sont répétés trois fois de suite (les degrés IV et I encadrés en noir). Cette redondance confère au refrain un certain dynamisme par contraste avec le couplet qui est plus diversifié dans ses accords. Cela en favorise aussi la mémorisation. La dernière mesure du refrain utilise le même accord (une fois sans septième mineure et une fois avec) pour accentuer le caractère conclusif et indiquer le retour au couplet.
L'introduction répète les trois premiers accords du couplet deux fois de suite, et l'outro reprend à l'identique les accords du refrain.
Composer une chanson en la mineur
La grille d'accords du couplet est essentiellement composée d'accords mineurs. Les degrés I et IV sont signalés en bleu pour montrer qu'ils servent de repère : seul le dernier accord des mesures 2 et 4 apporte une variation.
La grille d'accords du refrain est essentiellement composée d'accords majeurs.
La première version de la grille d'accords est utilisée lorsque le refrain est suivi d'un couplet. Cette grille pourrait être découpée en une grille de deux mesures (encadrée en noir) qui serait répétée deux fois de suite. À l'exception du premier accord (signalé en bleu), tous les autres accords sont identiques, ce qui accentue le caractère mémorisable du refrain.
La deuxième version de la grille d'accords est utilisée lorsque le refrain est suivi du pont. Les deux accords signalés en rouge indique une modulation dans la tonalité de do majeur (tonalité relative majeure). Cette modulation apporte une nouveauté et permet ainsi de préparer l'arrivée du pont.
Le pont est dans la tonalité de do majeur et se base sur l'enchaînement du degré I et V (encadré en noir) pour affirmer d'autant mieux cette tonalité. Pour mieux contraster avec les autres sections, le pont utilise un rythme harmonique plus lent : un accord par mesure. Il se termine par une cadence dans la tonalité de la mineur (signalés en rouge) afin de revenir sur la grille d'accords du refrain.
L'outro se base sur une cellule de deux accords (signalés en bleu) qui est reprise trois fois. Cette répétition accentue le caractère conclusif de l'outro. La dernière mesure du refrain utilise un seul accord (le degré V) pour ralentir le rythmique harmonique et indiquer la fin de la chanson par une cadence.
Enfin, l'introduction répète les deux premiers accords du couplet deux fois de suite.
Partition finale de chaque chanson
La chanson en la mineur est proposée en deux versions. La première est la version analysée ci-dessus. La deuxième version inclut un accord d'emprunt afin de montrer son usage en pratique.
Télécharger l'exemple de chanson dans la tonalité de do majeur (PDF)
Télécharger l'exemple de chanson dans la tonalité de la mineur (sans emprunt) (PDF)
Télécharger l'exemple de chanson dans la tonalité de la mineur (avec emprunt) (PDF)
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Commentaires
En effet, ces conseils peuvent s'appliquer quel que soit l'instrument utilisé.
J'espère que cela t'aidera dans tes créations.
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